La radioactivité

Extrait

"On trouve effectivement Boucau sur la carte de France des sites officiellement répertoriés pour leur radioactivité, à la fiche « Reno Fertiladour » : pas la carte des centrales nucléaires, pas celle de Tchernobyl, mais bien celle des « déchets radioactifs de faible activité à vie longue (FAVL) ». Ici, c’est inscrit, on est effectivement prié de s’aventurer un compteur Geiger à la main, dont les valeurs déterminent grosso modo ce qu’on fera – ou pas - du site à l’avenir.

De 8 à 12 sur un compteur Geiger, on est sur la base de la radioactivité naturelle du sol. A 50, 60, on est à la limite de ce qu’un ouvrier doit supporter, sous peine d’être sous la menace d’atteintes pathologiques potentielles. Au-dessus de 250, on commence à se poser la question de confiner les zones non surveillées et d’y planter un panneau d’interdiction d’accès.

Au-dessus de 500, il faut rassembler une procédure d’éloignement des populations comme en Ukraine, près de Tchernobyl, où personne n’envisage sérieusement de repartir vivre dans une maison qui afficherait de telles valeurs, située généralement à 30 kms du cercueil de béton qui recouvre la centrale, contaminée pour quelques milliards d’années. Dans les terres de Fertiladour, en 1998, soit plusieurs années après la fin des « années monazite », les mesures faites par le cabinet ANTEA ont déterminé des valeurs de 2.500, de 3.000… Jusqu’à 5.000 … De quoi lui donner le nom de Tchernobyl sur Adour.

En 2018, la valeur de 4µSv/h (400 "compteur Geiger") pour les terres encore présentes à Fertiladour reste celle déterminée par le  gouvernement japonais pour désigner par « retour difficile » l’objectif de revoir des habitants un jour dans la "zone rouge" de Fukushima. On y installe des incinérateurs pour brûler des arbres, parce que rien n’est autorisé à repousser ou fleurir avec ces doses d’irradiations. "

Riche en élément radioactif de thorium, la monazite est une "terre rare" qui a servi les desseins de l'industrie civile et militaire, considérée depuis son exploitation dans les années 30 comme une source majeure de pollution des sols et d'exposition radiologique cancérigène pour les ouvriers qui doivent la manipuler.

A Fertiladour, ce sont plus de 55.000 tonnes de ce minerai qui ont été broyées de 1973 à 1992 pour leur client, Saint-Gobain, avant que les restrictions sévères d'utilisation et de manipulation n'aient tari le marché.

Après sa dénonciation par le CADE en 1997, les mesures faites sur les sols ont fait apparaitre des niveaux très importants de pollution radiologique : à partir d'échantillons de terres carottés par les lanceurs d'alertes, le laboratoire indépendant de la Crii-Rad s'alarme alors d'une « terre très fortement contaminée, bien au-delà des normes maximales autorisées, de l'ordre de 200 fois la radioactivité naturelle du sol ».

Malgré l'excavation de 400 tonnes de terres contaminées, 10.000 m3 de terres sont encore officiellement enfouies sous un sarcophage de 25.000 m2 de caillasses, disposé en 2008 par l'industriel.

En 1998 pourtant, le cabinet ANTEA réalise une analyse des sols et pointe les zones colorées supérieures aux exigences préfectorales : sur 6 « points chauds » du terrain, on est sur des niveaux extrêmement élevés de radiations, l’impact est jugé "grave".

Mais l'analyse de Fertiladour par un nouveau cabinet diligenté par l'industriel, l'Algade (filiale à 100% du groupe Cogema, futur Areva), rejoint l'avis de la DRIRE (Ministère de l'Environnement) sur l'idée que la création du sarcophage de cailloux serait la "Meilleure Technique Disponible".

Pour conforter cette théorie, la DRIRE prend soin en 2000 de "surveiller" la contamination des sols, en installant 14 points de sondages et 5 piézomètres (nappes phréatiques)... scrupuleusement à l'extérieur des "points chauds" de radioactivité.

Et tous les 6 mois, la DRIRE peut dès lors consigner dans un registre national que « la campagne d’analyses des eaux souterraines du………… montre que la situation est satisfaisante...... et reste stable par rapport aux dernières campagnes ».